La face cachée de l’IA : pollution, maladies et déni écologique

Les habitants de Seine-Saint-Denis vont-ils devoir sacrifier leur santé pour que la France puisse continuer sa course à l’IA ? C’est la question que pose le projet de construction d’un méga data center à Dugny, dont les coûts environnementaux et sanitaires inquiètent. Alors que les impacts du déploiement de l’IA sur l’environnement et le climat ne sont plus à prouver, ceux sur la santé des populations sont encore souvent négligés. Pourtant, une augmentation des maladies respiratoires, cancers et pathologies cardiovasculaires est à craindre avec le déploiement massif des infrastructures numériques.

L’IA CLIMATICIDE 

Le déploiement exponentiel et non régulé de l’IA est aujourd’hui synonyme d’une pression accrue sur les ressources énergétiques et environnementales. 

La question des infrastructures nécessaires pour faire fonctionner les algorithmes et stocker les données est un facteur central du coût environnemental de l’IA. Les data centers, particulièrement énergivores, sont responsables d’une importante part des émissions et de la pollution de l’air. Ils constituent une part croissante de la consommation en électricité des pays, estimée à 3% de l’électricité mondiale en 2030, et donc de l’empreinte carbone liée à l’émission d’une grande quantité de polluants dans l’air. En France, 46% de l’empreinte carbone liée au numérique provient des data centers.

Si les data centers sont très énergivores, ce sont les générateurs de secours fonctionnant au fioul, utilisés pour alimenter les centres en continu en cas de coupures de courant, qui sont particulièrement responsables de cette pollution. Bien que leur utilisation soit encadrée, leurs émissions, même sur une courte période, sont particulièrement polluantes. À Dugny en Seine-Saint-Denis, le projet de méga data center inquiète notamment pour cette raison, alors que les générateurs sont testés entre 1h30 et 4h par mois, à une centaine de mètres des habitations. 

La pollution de l’air n’est pourtant pas la seule conséquence du développement exponentiel de l’IA. La pression sur les ressources en eau nécessaire au refroidissement de ces infrastructures numériques pourrait entrainer des situation de stress hydrique, impactant à la fois la biodiversité mais aussi l’accès des populations à l’eau potable. 

DES RISQUES BIEN RÉELS SUR LA SANTÉ

Alors que les impacts de l’IA sur l’environnement sont de plus en plus étudiés, ce n’est pas le cas de ceux liés à la santé. Pourtant, il existe bien un lien entre le déploiement de l’IA et l’augmentation de la prévalence de maladies respiratoires, cancers et pathologies cardiovasculaires causées par la pollution atmosphérique et l’émission de particules fines. 

Une récente étude réalisée aux Etats-Unis permet aujourd’hui d’avancer dans la quantification des effets de l’IA sur la santé publique. L’étude montre que selon les estimations, les émissions liées aux data centers pourraient conduire à plus de 600 000 cas d’asthme et 1300 décès prématurés aux Etats Unis d’ici 2030. En France, l’asthme est une maladie chronique fréquente, touche près de 4 millions de personnes et est responsable d’environ 900 décès par an.  

D’après leurs calculs, “le coût total pour la santé publique des centres de données américains en 2030 est estimé à plus de 20 milliards de dollars par an, soit le double de celui de la sidérurgie américaine à base de charbon et comparable à celui des émissions routières de Californie.” 

LA SANTÉ DES FRANÇAIS, ÉCARTÉE AU NOM DU PROGRÈS ?

Ces constats, mis en perspective avec les annonces récentes d’investissements massifs dans l’IA en France faites à l’occasion du sommet de l’IA et du sommet Choose France, laissent présager une intensification des problèmes de santé publique liés à l’IA dans les années à venir. 

Si la solution pourrait être une forme de sobriété numérique, ou du moins une certaine prudence au vu des évidences, le gouvernement français ne semble pas enclin à la retenue, bien décidé à embrasser les progrès promis par les grandes entreprises du numérique, et ce malgré l’alerte de plusieurs organisations de la société civile.

Au vu des évidences, il est nécessaire de continuer à produire des données afin d’évaluer les coûts sociaux, sanitaires et environnementaux du déploiement massif de l’IA. La France doit s’engager vers un usage de la technologie raisonné et respectueux des biens communs et du bien-être des citoyens.